Constituée en 1992 par de nombreux et divers acteurs de la résistance au projet de barrage de La Borie, l’association Abraham Mazel a mis en oeuvre depuis sa création un projet de maison vivante des résistances en Cévennes, dans la demeure historique du chef camisard éponyme.
Elle s’est proposée, avec d’autres partenaires, de contribuer à enrichir la mémoire collective par un travail de réflexion, compréhension, communication sur les phénomènes passés, actuels et futurs de résistance et de liberté de conscience.
L’ensemble des activités de l’association repose sur la fidélité éthique à des principes fondamentaux qui reconnaissent :
L’héritage spirituel et moral d’un terroir cévenol marqué par :
– la résistance à un milieu naturel difficile auquel il a fallu s’adapter pour le mettre en valeur ;
- la résistance aux oppressions privatives des droits humains élémentaires, notamment avant, pendant et après la période de la guerre des camisards, qui ont finalement débouché sur les droits de l’homme et du citoyen instituant les libertés de culte, de conscience et d’expression, puis durant les périodes de misère et d’exploitation qui ont suivi au 19ème siècle, qui ont, elles, débouché sur des avancées en matière de droit des enfants, des femmes et des prolétaires ;
- la protection et le refuge de minorités stigmatisées, pourchassées, persécutées avant et pendant la deuxième guerre mondiale (réfugiés politiques, juifs, allemands anti nazis, républicains espagnols exilés, insoumis, etc.) qui ont été mises à l’abri dans les vallées cévenoles ou accompagnées lors de leur évacuation vers d’autres pays de refuge ;
- l’accueil, dans cet esprit, de personnes vulnérables mal acceptées (personnes handicapées, autistes) ou autres « peuples sans terre » (marginaux, chômeurs, objecteurs, réfugiés, migrants) ou acteurs en quête de réinventions sociales (Economie sociale et solidaire associative ou coopérative, néo-ruraux écologistes, artistes ou intellectuels engagés, artisans porteurs de savoirs anciens…) ;
- l’opposition au fascisme avec la participation aux maquis de lutte contre l’occupation nazie, puis contre la montée des totalitarismes et des dogmatismes extrémistes ;
La défense d’une démocratie laïque, affirmant la primauté de la liberté de conscience, de l’équité et de la solidarité, en déclinaison concrète des principes originaux de la devise républicaine: liberté – égalité – fraternité, et de la devise de la commune de Saint-Jean-du-Gard « Al Sourel de la Liberta » (Au Soleil de la Liberté), avec une référence particulière aux libertés d’opinion, d’expression et de réunion, et au principe du primat de la résolution non violente des conflits.
L’adhésion à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui a défini l’éventail complet des droits humains, traduits dans deux Pactes juridiquement contraignants : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels. Il revient de droit aux citoyens et à la société civile organisée d’alerter en permanence sur les dérives politiques, industrielles ou commerciales visant à les ignorer, voire les remettre en cause, de manière donc illégale au regard des normes du droit international.
La considération de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, déclinée en six chapitres: Dignité, Liberté, Egalité, Solidarité, Citoyenneté, Justice, de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes et de la charte européenne de l’environnement. Textes essentiels pour la protection des droits dans l’espace européen et l’affirmation des valeurs formant les fondements constitutionnels de l’intégration européenne.
La considération enfin de l’aggravation du changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la pollution des sols et des océans, la montée des eaux sur la planète Terre – voir données des rapports Meadows/Club de Rome 1972, Brundtland 1989, GIEC… et résolutions des grandes rencontres mondiales dédiées à l’environnement -. Conscients du caractère extrêmement préoccupant de cette situation, liée à la poursuite de la financiarisation de l’économie mondiale, aux modes d’extraction, de production, de distribution et de consommation destructeurs des équilibres naturels et culturels, les citoyens et la société civile organisée sont fondés à alerter pour dénoncer publiquement la poursuite irresponsable de ces pratiques néfastes, issues de la révolution industrielle et du développement d’un capitalisme qui ont conduit l’homme à s’affranchir de son appartenance au vivant.
Le Conseil d’Administration veille au respect de ces principes éthiques dans toutes les actions entreprises et les prises de positions publiques que l’association Abraham Mazel est amenée à prendre. Elle le fait en toute indépendance vis-à-vis des églises de quelque confession que ce soit ou de toutes autres institutions socio-culturelles communautaires, partis ou groupes politiques. L’association entend enfin, à sa modeste échelle, apporter son soutien aux opérations et initiatives solidaires pouvant faire évoluer nos modes de vie et de pensée, et contribuer ainsi à restaurer progressivement les équilibres biologiques en danger. Sans remettre en cause l’existence et les immenses progrès des droits de l’Homme qui doivent être défendus, l’instauration d’un nouveau droit du vivant, sous ses différentes formes dotées de personnalités juridiques propres, devrait permettre à l’homme de rétablir des liens d’interdépendance qui replaceront l’exercice des libertés économiques à une place plus appropriée.
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Citations
- Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (Articles cités inspirés par Rabaut Saint Etienne, député du Tiers Etat des Cévennes durant la Révolution française, acteur majeur du Serment du Jeu de Paume en 1789 et Président de l’Assemblée constituante en 1790, dont la place de la Poste de Saint Jean du Gard porte le nom).
« Article X: Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public.
Article XI: La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme: tout citoyen peut donc parler, écrire et imprimer librement. »
- Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 (avec la contribution de René Cassin et de Stéphane Hessel). Extraits :
Préambule: « L’Assemblée générale des Nations Unies proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer (…) la reconnaissance et l’application universelles et effectives…
Article premier: Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
- Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Nice, 2000). Extraits :
Article 10. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
Article 11. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.